placementsCARMF : les promesses et les réserves

La CARMF (1) gère nos cotisations et assure le paiement des prestations retraite. Tout cela est très encadré. Mais il reste une marge d’action dévolue au conseil d’administration de la caisse de retraite. Elle concerne la gestion des actifs provisionnés pour « lisser » les évolutions démographiques. Mais la CARMF est-elle capable de tenir cette promesse ?

Nous savons que les générations nombreuses d’avant le numérus clausus arrivent à la retraite, tandis que les classes « creuses » sont encore au travail. En répartition pure, ce serait le déficit annoncé, comme pour les autres caisses de retraite. La répartition provisionnée permet de payer les retraites et d’« économiser » une part des cotisations pour constituer des réserves.

Nous y sommes. Dans un an ou dix huit mois, il faudra « piocher » significativement dans ces réserves pour payer les prestations, les cotisations entrantes devenant insuffisantes. La gestion de ces réserves est donc extrêmement importante.  Quelle est la structure des placements de ces réserves ? : Il y a trois grands types de placements possibles. L’immobilier, les « produits de taux » ou les obligations pour simplifier, et les actions.

Des réserves très exposées

La CARMF gère environ 5 milliards d’euros de réserves constitués par nos cotisations. Actuellement l’immobilier compte pour 20 % (un peu moins), les obligations pour 30 % et les actions 50 % (arrondis). Quand il faudra « piocher », il faudra donc…vendre ! On constatera alors la « vraie » valeur et la « vraie » liquidité des placements. L’immobilier, par exemple, a une valeur « sur le papier ». Mais quand on vend sur un marché immobilier « baissier », que se passe-t-il ? Les obligations ne posent pas de problème – encore que l’on annonce une crise à leur sujet – mais leurs rendements sont modestes. Mention particulière aux OPCVM (organisme de placement de collectif en valeurs mobilières), qui sont de « vraies-fausses » obligations en fait exposées aux marchés volatils. Enfin les actions, dont on sait la sensibilité extrême aux aléas de l’économie et de la finance mondiale.

Au total, quand on regarde tout cela de près, le « magot » de la CARMF est si exposé à l’aléa boursier que ses rendements financiers y sont très sensibles :

Rendement actifs des actions CARLM de 2001 à 2011 (après fiscalité)

       

2001 : - 7,4%

2002 : - 14,6%

2003 : +12,79 %

2004 : + 7,08 %

2005 : + 17,43 %

2006 : + 11, 76%

2007 : + 4,62%

2008 : - 28,83 %

2009 : + 21,64 %

2010 : + 8,60%

2011 : - 7,64%

2012 : + 12,57%

Tout cumulé - actions, obligations et immobilier -, le rendement global est de seulement 1,5 % environ sur les 10 ans analysés. Quand un portefeuille d’actions perd 28 % en 2008, la hausse de 2009 se fait sur la base du capital amputé de 28%. Il faut le comprendre.

Et surtout, la gestion de ces placements à risque par une structure aux compétences limitées en matière de haute finance – ce que dit l’IGAS dans son rapport - constitue une vraie « roulette russe » : si un crash boursier survient,  c’est nos retraites qui sont impactées (2).

La retraite, pour un généraliste de secteur 1 qui a travaillé toute sa vie et qui n’est pas spécialiste de la finance, ce n’est pas son argent de poche, c’est son revenu ! Gérard Maudrux peut se vanter de sa gestion merveilleuse et nous promettre la lune (3). Les résultats sont là, nous sommes tous exposés aux conséquences d’une gestion risquée qui ne donne pas les résultats escomptés. Gérard Maudrux s’en défend : les autres caisses de professions libérales, explique t-il, ont essuyé les mêmes remontrances que la CARMF sur leur gestion par l’état tuteur. Quel argument ! Il serait temps de professionnaliser davantage cette gestion, de la sécuriser comme il se doit pour un organisme gérant une retraite.

Si Mr Maudrux considère comme de « l’argent de poche » sa pension CARMF, nous sommes nombreux qui devrons nous en contenter pour vivre, et nous voulons être entendus.  

J-C Nogrette

(1) Caisse autonome de retraite des médecins de France
(2) « Les services de la caisse sont dirigés par un directeur qui s’appuie sur 6 personnes pour gérer des placements mobiliers à hauteur de 4,3 milliards d’euros en valeur de réalisation et 6 personnes pour des placements immobiliers à hauteur de 790 millions », indique le rapport de l’IGAS.« La gestion des placements mobiliers est directement rattachée à la direction. La caisse dispose de deux analystes financiers spécialisés sur les taux et de 2 sur les actions. » Le même rapport, très critique sur la gestion des finances de la CARMF note encore : « Le règlement financier ne précise ni l’univers de placement sur lequel la caisse souhaite intervenir, ni les options retenues, ni les modalités d’organisation de la gestion financière ».
(3) A titre d’exemple, le président de la CARM se vante d’avoir réalisé un placement judicieux dans le vignoble de Saint-Emilion où il s'est porté acquéreur d’un « grand cru classé », en arguant avoir « pris de nombreuses précautions avant de réaliser l’acquisition ». L’IGAS considère au final que « sans même considérer l’intérêt financier très discutable au regard du rendement attendu et des risques pris par la caisse », que cette opération « est surtout révélatrice d’une absence de vision stratégique ».