Maisons et Pôles de Santé en PACA : une nouvelle dynamique
11 maisons de santé et 6 pôles de santé pluriprofessionnels sont à ce jour installés sur les six départements qui composent la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA). Ils sont accompagnés de centres de santé et d'une maison installée dans les quartiers Nord de Marseille et qui regroupe 26 médecins de toutes spécialités. Leurs représentants et membres, ainsi que d’autres professionnels de santé motivés par l’exercice pluriprofessionnel et la création d’une MSP, se sont retrouvés le 21 novembre dernier à Aix-en-Provence à l'initiative de la FemasPACA. 130 professionnels de santé - dont une moitié de généralistes - ont participé à ce rendez-vous régional auquel était invité Pierre de Haas, président de la FFMPS.
"Cette rencontre cible les professionnels de santé libéraux et votre présence est un témoignage fort de l’intérêt que vous portez à votre métier et son évolution. En ces temps particuliers, cela n’est pas forcément simple", a souligné en introduction à la journée Martine Langlois, médecin généraliste installée à Nice. Elle a également rappelé que la FemasPACA, organisatrice de la rencontre, est une récente représentation régionale des maisons et pôles de santé qui a pour objectifs de fédérer des structures d’exercice coordonné régionales, mais également de promouvoir cette modalité d’exercice, "une des solutions d’avenir pour nos pratiques professionnelles". "Les structures existantes (cf. carte ci-dessous) répondent surtout à des besoins de lutter contre la possible désertification de l’offre médicale", a encore souligné la généraliste. "Actuellement ces concepts évoluent vers d’autres territoires, même urbains, et vers des structures très légères, voire même un seul lien fonctionnel entre des professionnels de santé indépendants."
40 maisons en projet
En 2013, elles n'étaient encore que quelques maisons de santé à fonctionner en exercice coordonné. Deux ans plus tard, une bonne quinzaine de maisons et pôles de santé sont installés sur la région PACA et plus d'une quarantaine sont en projet (voir carte ci-dessous). "On peut donc parler d'une réelle dynamique", explique dans ce registre Gabriel Kulling (photo), responsable de l’offre de premier recours au sein de l'Agence Régionale de Santé de PACA. Certes, au regard des 5348 médecins généralistes installés sur la région, l'exercice regroupé est loin de constituer la règle, mais la tendance au "pluripro" semble monter en puissance. Ce mode d'exercice que promeut Pierre De Haas, président de la FFMPS (cf. ci-dessous), constitue-t-il une réponse utile à une démographie médicale en baisse, en particulier des médecins généralistes, dont l'Ordre des Médecins souligne qu'ils ont été 610 à quitter la région entre 2007 et 2015. "Monter des MSP contribue à améliorer, voire à stabiliser la situation", plaide à cet égard le responsable de l'ARS, qui voit dans leur émergence des gains en matière de productivité et analyse sur le territoire national " la poursuite du déclin démographique là où il n'y a pas de maisons de santé pluriprofessionnelles ". " C'est donc une donnée objective en faveur de leur développement ", note encore Gabriel Kulling qui, pour autant, ne souhaite pas, en PACA, embrigader à tout prix les jeunes médecins dans ces MSP. " Mais il y a bien un constat, ajoute ce dernier : nous sommes moins nombreux et il y a donc nécessité de s'organiser de manière plus efficiente ".
Accompagner les nouvelles pratiques
Pour Ladislas Polski (photo) conseiller régional, délégué aux affaires relevant des Maisons Régionales de la Santé, "le sujet n'est pas de donner des aides à l'installation, mais de créer les conditions pour que les professionnels de santé se sentent bien dans l'exercice coordonné et de promouvoir les installations au travers de nouvelles pratiques". Pour l'élu régional la seule volonté politique ne saurait suffire : "Un bâtiment sans professionnels de santé impliqués sera sans vie et ne pourra que conduire à l'échec". "Sans vouloir concurrencer l'offre de soins libérale", précise ce dernier, la région a soutenu la Maison Régionale de Santé (MRS) d'Aiguille Le Queyras, où une offre de soins de premier recours a été réimplantée dans une vallée encaissée des Hautes-Alpes. Autour du Docteur Graglia et de l’association Selliance de Gap, une petite dizaine de médecins s'y relayent chaque semaine et assurent la présence continue d’un médecin qui loge sur place. "Faire de ce territoire, l’un des plus fragiles de la région pour l’accessibilité géographique aux soins, le lieu d’accueil de pratiques innovantes et performantes, voilà qui nous donne de bonnes raisons de nous féliciter d’avoir lancé cette politique régionale, certes volontariste, au sens où elle ne relève pas d’une compétence obligatoire de la Région, mais mise au service de l’une des compétences obligatoires de notre collectivité régionale, celle de l’aménagement du territoire", note par ailleurs Ladislas Polski. La Région n'en est cependant pas restée là. Elle a également soutenu la création dans les quartiers Nord de Marseille, la MSR du Vallon de Malpassé, ouverte en avril 2013 et qui rassemble 18 médecins spécialistes libéraux en secteur 1, mais qui ne comporte cependant aucun généraliste. "Les centres de santé mutualistes au mode économique difficilement tenable devaient être renforcés par les nouveaux modes de rémunération (NMR) mais également par le soutien des collectivités locales", plaide l'élu régional. Un 3ème projet est en cours au quartier des Moulins, à Nice, toujours au nom de "l'impératif républicain de la lutte contre les inégalités d'accès aux soins", mais aussi dans une volonté marquée "d'accompagner les nouvelles pratiques des professionnels de santé."
Enfin, de son côté, François Turk (photo), secrétaire général adjoint de l'URPS PACA, a souligné l'évolution des esprits sur le chapitre de l'exercice coordonné qui, à ses yeux, "ne s'entendait qu'au sein des MSP il y a encore quelques années". Il a rappelé que seulement 3 % des médecins (toutes spécialités confondues) exerçaient en maison de santé ou étaient associés à un pôle de santé, contre 97 % en cabinet de groupe ou en exercice isolé. "Améliorer l'offre de soins ne pourra pas se faire sans eux" a ajouté le gynécologue obstétricien, qui a également noté que peu de médecins spécialistes - hors médecine générale - étaient acteurs dans les MSP. "J'espère que les URPS, une fois la période électorale passée, pourront constituer un pôle d'aide à l'installation des maisons de santé", a conclu ce dernier.
Démocratie ou dirigisme
Au cours de leurs travaux (1), les professionnels de santé présents ont rappelé que cette modalité d’organisation d’exercice ne sera pas un modèle unique. Elle restera le libre choix de professionnels libéraux. Ils ont également souligné que la mise en place et le développement des maisons et pôles de santé pluriprofessionnels devaient répondre à quelques règles simples mais incontournables : "Il faut d'abord faire du lien, trouver des consensus, créer de la motivation en délégant et surtout respecter les compétences et les personnalités de chacun dans l'équipe", souligne Sylvie Carrara, infirmière. Aussi le rôle du manager a-t-il son importance. Il doit observer le fonctionnement d'une équipe, estimer la motivation de ses membres, repérer les différentes personnalités et identifier leurs compétences respectives. Certaines MSP peuvent fonctionner selon un mode "démocratique", tandis que d'autres se développent mieux sous un mode "dirigiste". En un mot, comme dans toute communauté humaine ou groupe, ce choix se fera en fonction des besoins de l'équipe qui participe à la MSP. Au-delà, une fois structurée, l'équipe devra définir un projet professionnel de santé avant même de se lancer dans son projet immobilier, juridique ou financier. Dans ce projet de santé, la contribution de chacun devra être clairement décrite et des règles de fonctionnement précisées.
La question des rémunérations de l'équipe pluriprofessionnelle devra également être posée au préalable. Les nouveaux modes de rémunérations (NMR), ouverts à tous, à condition que les médecins concernés soient dans les conditions qui autorisent leur accès - entendu au moins deux médecins associés à un non médecin, avec une structuration juridique (une SISA sous les 6 mois), un projet de santé validé par l'ARS et un contrat type tripartite "équipe MSP-ARS-CPAM" - devraient à cet égard faciliter l'élargissement du nombre des MSP sur le territoire national. "Une structure de référence, dotée de 4000 patients et d'un taux moyen de patients en CMU pourra ainsi bénéficier d'une rémunération pouvant aller jusqu’à 51 800 euros", souligne Martine Langlois (photo). Ce pour organiser au mieux les réponses aux besoins de santé des patients et de la population d’un territoire de proximité. Un défi que veulent relever les maisons et pôles de santé, en PACA comme ailleurs en France.
J-J Cristofari
(1) La journée s'est déroulée autour de 6 ateliers, qui ont rencontré un vif intérêt auprès des professionnels de santé présents. Ils ont été animés par des facilitateurs de la Femaspaca : Jean Philippe Arnau, Tiphanie Bouchez, David Darmon, Georges Graglia, Cédric Lemoine, Jean-Pierre Mouren et Ahmed Zeggagh.
-----------------------------------------------
Trois questions à Pierre de Haas, président de la FFMPS
Où en sont les maisons de santé pluri professionnelles en France aujourd'hui ?
Les maisons et pôles de santé pluri professionnelles sont au nombre de 800 en libéral en France. Si on associe les 300 à 400 centres et pôles pluri professionnels, on peut dire qu’il y a plus de 10 % des professionnels de santé en France qui exercent dans des équipes coordonnées, qu’elles soient maisons, pôles ou centres de santé. Si on associe les chiffres des projets, on peut dire qu’on sera à 20 % des professionnels de santé dans des structures de ce type-là, fin 2016 ou début 2017.
Que vous manque-t-il à ce jour ?
Il nous faut encore aujourd’hui des éléments :
1. une exonération de TVA sur les postes de coordination : en effet le nouveau mode de rémunération donné par l’Assurance-maladie aux équipes part directement vers Bercy sans profiter à l’organisation des structures.
2. second élément : une évolution des formes juridiques, car les formes juridiques existantes ne permettent pas de travailler de façon coordonnée en équipe.
3. la recherche. Nous devons trouver des structures pour permettre aux jeunes chercheurs de produire sur l’organisation des soins primaires – on produit cinq fois moins en France qu’en Espagne et 20 fois moins qu’en Angleterre sur les problématiques de soins primaires.
4. dernier point : il faut aider les équipes à faire ce changement structurel qui est très important : cela passera par la création de cellules d’appui auprès des ARS qui réuniraient toutes les compétences pour entraîner les équipes et tous les professionnels vers une amélioration de l’accessibilité aux soins.
Qu'attendez-vous de la loi de santé en débat au Parlement et la future grande conférence nationale de santé ?
Dans la loi de santé, il peut y avoir un élément intéressant : la définition des équipes de soins de premier recours. Il y a un article qui va nous permettre d’améliorer le fonctionnement des SISA, certes par ordonnance. Par ailleurs il y aura des éléments sur la possibilité de développer des pratiques avancées pour les auxiliaires médicaux qui va arranger les équipes.
Nous avons beaucoup participé aux travaux préparatoires de la future conférence nationale de santé de février 2016. Nous transmettons des notes techniques sur des éléments qui nous paraissent importants. Nous disons qu’il faut que les ARS se réorganisent, pour les soins primaires, tout particulièrement en créant des cellules d’appui pour accompagner les professionnels.
Focus
Pierre de Haas, FFMPS, s'explique sur le contexte dans lequel sont aujourd'hui créées les maisons de santé pluriprofessionnelles
La Maison de Santé Pluriprofessionnelle des Thermes fait son film
Tout savoir sur ASALEE